La quatrième journée de la branche d’Avenergy Suisse, organisée cette fois-ci en coopération avec routesuisse, a tourné autour de l’avenir du financement des transports ou, pour le dire simplement, autour de la question suivante: d’où viendra tout l’argent qui paiera nos routes à l’avenir? Quel mode de transport participera au financement et dans quelle mesure le fera-t-il, combien les consommatrices et les consommateurs devront-ils payer, quel système de financement sera utilisé à l’avenir? Lors de la journée de la branche qui a attiré de nombreux participants, ces questions et d’autres ont fait l’objet d’une discussion controversée au restaurant Metropol à Zurich.
Sous le titre évocateur «La vérité et les fausses vérités sur les coûts dans les transports – les saints et les hypocrites en politique», le professeur d’économie Reiner Eichenberger de l’Université de Fribourg a présenté à sa manière divertissante habituelle ses thèses, au moins aussi intéressantes que controversées.
Le professeur Eichenberger a décrit comme étant d’une importance capitale pour une politique optimale des transports, d’une part la vérité entière concernant les coûts, même si elle ne peut être que grossièrement estimée, et d’autre part le renoncement général aux subventions. Un grand problème de la politique actuelle est qu’elle ne tient compte que de la durabilité écologique, alors que la durabilité économique et la durabilité sociale sont ignorées.
Eichenberger était particulièrement critique à l’égard du subventionnement des transports publics – si ces derniers étaient subventionnés de manière à engendrer une distorsion du marché, d’autres biens utilisés quotidiennement devraient également être subventionnés, car ils remplissent des fonctions d’approvisionnement encore plus importantes que les transports publics: par exemple la téléphonie mobile, les banques, le commerce de détail ou autres. Comme principal argument en faveur des subventions, les partisans de ces dernières ajouteraient toujours l’égalité de traitement en matière de dommages externes, poursuit Eichenberger. Toutefois, cet argument est rendu irrecevable dès lors que l’on présente les dommages externes par passagers-kilomètre et que les fonds publics sont également inclus dans le calcul. Le train, le tramway, le bus et même le vélo deviennent alors soudainement beaucoup plus chers. Seule la vérité entière concernant les coûts permettrait de trouver des solutions réellement efficaces.
Et le climat dans tout ça? Reiner Eichenberger propose un prix du CO2 uniforme à l’échelle internationale de 40 à 70 francs la tonne – car seul un prix uniforme, applicable partout dans le monde, permettrait d’obtenir un effet incitatif efficace. En conclusion, le professeur Eichenberger a désigné ce qu’il considère comme les points d’achoppement dans la transition vers la vérité entière concernant les coûts: Qui décide du montant des prélèvements, où vont les cotisations et le citoyen peut-il vraiment être assuré d’une compensation intégrale?
Le deuxième intervenant était Christian Kellerhals de l’Office fédéral des routes (OFROU). Il a cité les tendances connues en matière de mobilité: l’augmentation du trafic jusqu’en 2040, la numérisation et la décarbonation de la mobilité ainsi qu’une augmentation de la mobilité douce.
Kellerhals a désigné comme étant le plus grand problème de notre infrastructure de transport les nombreuses heures d’embouteillage au sein du réseau routier national – qui, soit dit en passant, seraient principalement dues à la surcharge du trafic et seulement en second lieu aux travaux routiers et aux accidents. Il est donc essentiel de procéder à un entretien sérieux et à un aménagement ponctuel de l’infrastructure de transport, et en particulier des autoroutes. Cependant, le financement est soumis à une pression croissante: Comme on le sait, la principale source de revenus pour le financement des routes est la taxe sur les huiles minérales et la surtaxe sur les huiles minérales, a expliqué Christian Kellerhals. Toutefois, avec l’électrification croissante, cette source de financement menace de se tarir. L’objectif de l’OFROU est donc de remplacer le financement actuel par une redevance «pay as you use», c’est-à-dire une redevance kilométrique. Cette taxe serait prélevée en fonction du poids du véhicule, nota bene sans charge financière supplémentaire pour l’automobiliste – toutefois, les véhicules électriques seraient désormais également mis à contribution. La mise en œuvre devrait se faire à l’aide d’un dispositif d’enregistrement spécial dans les véhicules, ce qui poserait toutefois des problèmes de protection des données. Il reste à savoir si un tel système est susceptible de réunir une majorité.
Hans-Ulrich Bigler, directeur de l’Union suisse des arts et métiers (usam), a ensuite représenté le point de vue des PME. Une grande partie des marchandises serait distribuée par la route, notamment sur le «dernier kilomètre». La qualité de l’infrastructure des transports ou de l’infrastructure routière, notamment en termes d’heures d’embouteillage, est donc cruciale pour l’économie suisse.
Au sujet de la tarification de la mobilité, l’ancien conseiller national Bigler a déclaré qu’il était à craindre, surtout dans les villes à dominante rouge-verte, qu’en parlant de tarification de la mobilité, on voulait en fait dire tarification routière, c’est-à-dire des taxes de circulation classiques pour restreindre la circulation automobile. Un autre aspect viendrait s’ajouter à cela si la «tarification de la mobilité» était en fait prévue pour briser les pics de trafic, ce qui entraînerait toutefois des coûts plus élevés et donc un désavantage pour tous ceux dont les horaires sont fixes. L’usam rejette toutes ces différentes formes de tarification de la mobilité – c’est-à-dire la tarification routière pure, une tarification visant à briser les pics du trafic et toute tentative d’introduire des outils incitatifs écologiques par le biais de taxes de circulation. Toutefois, si la tarification de la mobilité prévoit une tarification en fonction de l’utilisation de tous les modes de transport, elle doit alors être approuvée. Cependant, il est très incertain que les politiciens s’occupent de ce sujet brûlant.
Ensuite, les trois intervenants ont discuté avec le conseiller national et vice-président du PLR Philippe Nantermod, sous la direction de Reto Brennwald. Reiner Eichenberger a répété les affirmations de son exposé: il faut parvenir à une égalité de traitement entre tous les modes de transport ; en particulier les transports publics doivent être «démystifiés» et leurs inconvénients manifestes doivent être révélés. Hans-Ulrich Bigler a partagé l’opinion que les transports publics étaient surfaits. «Celui qui prend le train ne se comporte pas automatiquement bien», nous dit le directeur de l’usam. La correction de cette interprétation erronée se trouve au début d’une réforme judicieuse. Christian Kellerhals était essentiellement d’accord avec les intervenants précédents. Cependant, c’est lui qui devra alors initier et mettre en œuvre une réforme aussi gigantesque, ce qui lui a inspiré ensuite ce commentaire légèrement sarcastique: «Nos expériences passées n’ont pas été très positives avec les très gros coups». Philippe Nantermod, quant à lui, a fait référence à la protection du climat: il ne faut pas exclure complètement l’objectif de la décarbonation dans les réflexions sur le financement des routes. En outre, les transports publics bénéficient d’une grande sympathie au sein du grand public. Le conseiller national PLR du Valais s’est montré pessimiste. Il ne pense pas que les plans en discussion puissent obtenir un soutien majoritaire au sein de la population. Conclusion: Une fois de plus, les personnes présentes ont pu constater à quel point l’écart entre ce qui est économiquement souhaitable et ce qui est politiquement faisable est encore grand.
Le programme de l’après-midi a été ouvert par Bernhard Oehry, directeur général de Rapp Trans AG, qui a parlé en détail des aspects techniques parfois très complexes des différents systèmes de tarification. M. Oehry a pu s’appuyer sur de nombreuses années d’expérience dans sa présentation; après tout, cela fait des années que son entreprise est responsable de la mise en œuvre technique de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP).
Dans son exposé,Andreas Dürr, président d’ACS des deux cantons de Bâle, a pu faire part de sa propre expérience dans une ville qui s’est mise à disposition pour un projet pilote sur la tarification de la mobilité. Dans la ville de Bâle, selon M. Dürr, la tarification de la mobilité est une tarification routière parfaitement claire, en tant que système servant uniquement à gérer ou à restreindre le trafic. Il a ainsi donné raison à 100% à Hans-Ueli Bigler concernant les craintes exprimées par ce dernier dans la matinée. La taxe dite «Bâle Flow Tax» se concentre sur le trafic à destination, le trafic au départ et le trafic de transit; elle comprend également une gradation en fonction de la classe de pollution, poursuit M. Dürr. Le projet est encore en phase de planification, mais de nombreux obstacles se dressent encore sur la voie de la mise en œuvre.
Gian Nauli de la Société Suisse des Entrepreneurs a ensuite éclairé le sujet de la tarification de la mobilité du point de vue de ceux qui doivent construire l’infrastructure routière et l’entretenir en première ligne. Un financement assuré sur le long terme est indispensable pour maintenir une infrastructure de transport performante.
Peter Goetschi, président central du TCS, a également fourni des informations sur la position du TCS concernant la tarification de la mobilité. Pour lui, il est clair que le financement des routes ne doit pas être utilisé en même temps de façon abusive comme un outil incitatif : Cela serait antisocial et impliquerait des conflits d’objectifs insolubles. En outre, il est impératif – ce qui n’est pas vraiment une surprise – d’éviter une augmentation du coût de la mobilité.
François Launaz, président d’auto-suisse, a souligné dans son discours la pertinence du FORTA comme système de financement de l’infrastructure de transport suisse. Le fait que son financement connaisse des temps de plus en plus incertains n’est pas seulement imputable à sa propre branche – après tout, ce sont les importateurs de voitures qui contribuent le plus à la baisse des recettes provenant des taxes sur les carburants du fait de la vente de voitures et de véhicules électriques toujours plus efficaces. «La malédiction de la bonne action», comme l’a résumé M. Launaz avec une pointe d’ironie. À l’avenir, tous les usagers de la route devront contribuer à parts égales au financement de l’infrastructure. L’objectif doit être le suivant: financer sans inciter.
Daniel Hofer, président d’Avenergy Suisse, a souligné dans son plaidoyer que seul le niveau fédéral avait été considéré jusqu’à présent. Au final, les automobilistes paient également au niveau cantonal. Une coordination doit avoir lieu entre ces niveaux, comme c’est le cas entre la Suisse et l’étranger, si l’on veut qu’un nouveau système de financement soit appliqué.
Lors de la table ronde subséquente, les deux points de vue ont à nouveau émergé: Pour la conseillère nationale Barbara Schaffner, la question du financement et la question incitative sont indissociables. Le niveau de financement des infrastructures futures ne devrait pas être basé sur un volume de trafic d’heure de pointe débridé, selon les Vert’libéraux de Zurich. Albert Rösti (Conseiller national UDC BE), en revanche, veut clairement prendre ses distances avec toute fonction incitative du futur système de financement. De son point de vue, il n’y a pas de pics qui pourraient être brisés; l’infrastructure routière a fondamentalement atteint ses limites et doit être développée de toute urgence.
La Journée de la branche 2021 organisée par Avenergy Suisse et routesuisse a permis d’engager une discussion dont nous pouvons attendre avec curiosité les facettes dans les années à venir.